EL PAÍS

L'Allemagne et l'Espagne conviennent d'« ouvrir un dialogue » pour que le catalan puisse être officiel dans l'UE en pleine crise avec Junts

Les menaces d'automne chaud des juntes ont eu un effet presque immédiat. Pedro Sánchez s'est mis d'accord avec le gouvernement allemand sur une déclaration commune dans laquelle les deux exécutifs font état du début d'une négociation pour résoudre la question de la reconnaissance du catalan, du basque et du galicien comme langues officielles de l'Union européenne.

L'Allemagne constitue le principal obstacle à l'approbation de cette initiative, essentielle pour que Junts ne fasse pas échouer le Parlement. L'Exécutif espagnol estime que l'Exécutif allemand, du même groupe politique que le PP espagnol, a agi sous la pression d'Alberto Núñez Feijóo la dernière fois qu'on a tenté de l'approuver. Mais Sánchez et le chancelier allemand Friedrich Merz se sont rapprochés ces derniers mois et l'Espagnol parvient à cette déclaration commune qui montre, comme il l'a dit lors de la conférence de presse de ce jeudi à Bruxelles, qu'il fait ce qu'il peut pour remplir les engagements pris avec Junts. Le parti dirigé par Carles Puigdemont a accueilli cette annonce avec des réserves. L'ancien président catalan rencontrera dimanche et lundi la direction du parti et ce sera à cette occasion qu'il fera des évaluations publiques.

Le texte de la déclaration est clair : « Nos deux gouvernements sont convenus aujourd’hui d’ouvrir un dialogue dans le but de trouver une réponse à la demande espagnole visant à ce que ses langues officielles autres que l’espagnol soient reconnues comme officielles dans l’Union européenne d’une manière acceptable pour tous les États membres. »

« L'incorporation de ces langues constitue une partie essentielle de l'identité nationale plurilingue de l'Espagne. C'est pourquoi nous avons décidé conjointement d'entamer des conversations bilatérales à partir desquelles l'Espagne présentera un texte pour débat et décision par les 27 États membres lors d'une prochaine réunion du Conseil des affaires générales. Ce dialogue bilatéral débutera le plus tôt possible sous la responsabilité de nos ministères des Affaires étrangères respectifs », ajoute le communiqué.

Cet accord intervient à un moment d’extrême tension entre Junts et le PSOE. Le parti indépendantiste tiendra ce lundi une réunion de sa direction dans le but de donner des indications sur le traitement qui devrait désormais être réservé au PSOE. Le parti est déterminé à rompre les liens avec Pedro Sánchez et le proposera aux militants, qui décideront lors d'une consultation interne.

« Nous nous conformons à ce qui est entre les mains du gouvernement », a déclaré jeudi le président de l'Exécutif, lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion du Conseil européen à Bruxelles. « Ce qui est entre les mains des autres, nous travaillons pour qu'il soit réalisé », a-t-il indiqué, en référence au statut officiel du catalan dans les institutions européennes, sans révéler le contenu de cette annonce.

L’Espagne a déjà tenté à plusieurs reprises d’approuver cette question depuis qu’elle s’est engagée auprès de Junts en août 2023 à promouvoir la mesure au sein de l’UE, mais elle n’a pas réussi. En mai, le gouvernement a soumis la proposition au vote, mais la décision a été reportée faute de soutien. Une douzaine de pays, dont l'Allemagne et l'Italie, ont exprimé leurs « inquiétudes » quant aux implications juridiques. Les services juridiques du Conseil de l'UE estiment également que la proposition espagnole ne peut être mise en œuvre sans modifier les traités. En juillet, la question est simplement restée dans un nouveau débat.

Depuis, Sánchez et Merz se sont rapprochés. Le gouvernement espagnol a contacté le gouvernement allemand pour lui expliquer que cette question est décisive pour la stabilité politique en Espagne, et il semble que Berlin commence à le comprendre. Le conservateur Merz souhaite entretenir de bonnes relations avec Sánchez, le grand leader social-démocrate, car les deux groupes doivent s'entendre sur de nombreuses questions importantes pour l'Allemagne, qui se trouve au milieu d'un processus de changement productif.

Ce rapprochement comprenait une visite le 18 septembre de Merz à La Moncloa, au cours de laquelle les deux dirigeants ont parlé ouvertement de la question du catalan dans l'UE. Lors de la conférence de presse conjointe, Merz a expliqué précisément que les deux dirigeants étaient convenus d'un canal de communication permanent pour les affaires européennes, afin de pouvoir conclure de bons accords entre le PPE, qui a son leader le plus éminent à Merz, le PSE, qui a son leader le plus éminent à Sánchez, et les libéraux pour pouvoir diriger l'Europe sans l'extrême droite.

Merz a fait preuve d'harmonie avec les Espagnols lors de cette rencontre, mais a refroidi les attentes à l'égard des Catalans dans l'UE. « Nous avons parlé de langues, je connais la position espagnole », a reconnu l'Allemand accompagné de Sánchez. « J'ai été au Parlement européen. Je sais à quel point le service linguistique est compliqué, chaque langue amplifie le problème. À moyen terme, il peut être résolu grâce à l'intelligence artificielle, nous n'aurons plus besoin d'interprètes. Je comprends bien l'intérêt du gouvernement espagnol pour les défis linguistiques, je sais que ce sont des langues qui ne se comprennent pas (Merz a rappelé qu'enfant, il passait ses étés avec ses parents à Cullera), mais comment le résoudre… nous aurons à voir », a-t-il terminé. Après cette nomination, Sánchez a de nouveau rencontré Merz ce jeudi à Bruxelles. Là, on a reparlé du catalan, selon des sources exécutives, et le résultat de tous ces efforts est cette déclaration du gouvernement allemand qui ouvre la porte à un changement de position sur une question clé pour Junts, trois jours avant que son exécutif ne se réunisse à Perpignan pour lancer une consultation avec les bases sur une éventuelle rupture avec le PSOE.

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