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Les règles fiscales européennes et le coût de l’inaction

Les nouvelles règles budgétaires de l'Union européenne signifient mettre fin à la période de réponse à la crise provoquée par la pandémie et, par la suite, par l'invasion de l'Ukraine, au cours de laquelle, après avoir pris conscience du prix énorme payé pour les politiques d'austérité liées au problème financier de 2008, crise, l’UE a fait un pas en avant non seulement pour protéger les citoyens européens, mais aussi pour promouvoir une modernisation de l’économie basée sur la numérisation et le Green Deal européen. Les institutions communautaires ont compris que c'était en fait le meilleur moyen de protéger les Européens et eux-mêmes. Cette période touche à sa fin.

L'accord conclu corrobore les critères de Maastricht, qui obligeait les gouvernements à maintenir les déficits budgétaires et la dette publique en dessous de 3 % et 60 % du PIB, respectivement. Il comprend une évaluation de la durabilité de la stratégie budgétaire de chaque État membre afin de classer les pays par niveaux de risque. Si l'un des objectifs de déficit ou de dette n'était pas atteint, un ajustement budgétaire serait établi, négocié entre la Commission et l'État en question et approuvé par le Conseil, ce qui conduirait à des « plans budgétaires structurels nationaux à moyen terme ».

Même si les négociations étaient basées sur la nécessité de donner une certaine flexibilité aux États pour augmenter la dette destinée aux investissements publics qui stimuleraient leur économie et contribueraient à la soutenabilité de la dette, les accords conclus représentent d'importantes réductions de la dette et du déficit qui peuvent se traduire, si rien n'est fait. fait pour l’éviter, dans des coupes budgétaires qui compromettent les processus de transformation engagés. Parmi eux, ceux liés au Green Deal européen, notamment sa dimension sociale de transition juste.

Selon un rapport préparé par la Confédération européenne des syndicats et la New Economic Foundation, l’application de règles budgétaires pourrait signifier que seuls trois pays – le Danemark, la Suède et l’Irlande – pourraient maintenir les investissements nécessaires pour relever les défis du Green Deal européen. et la cohésion sociale. Ses auteurs soutiennent que même si les subventions au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience se poursuivaient après 2026, seuls cinq pays – le Danemark, la Suède, l’Irlande, la Croatie et la Lituanie – pourraient couvrir au moins les besoins minimaux en investissement social et écologique. En effet, pour que tous les États membres puissent répondre à leurs besoins d'investissements publics en matière de cohésion sociale et de transition écologique, il faudra un montant annuel supplémentaire compris entre 300 000 et 420 000 millions d'euros.

Le Green Deal européen, tel que présenté par Ursula von der Leyen lors de la COP 2019 à Madrid, allait bien au-delà de la simple politique environnementale. Il s’agissait d’un modèle de développement pour moderniser l’économie européenne, la rendre plus compétitive dans un monde en voie de décarbonisation, maintenir le leadership dans cette transformation et développer un nouveau cadre dans lequel placer toutes les politiques.

Pour y parvenir, les investissements publics étaient alors et continuent d’être essentiels, tant pour les effets qu’ils produisent que pour ce qu’ils peuvent apporter pour attirer l’investissement privé. Ce sont des investissements qui peuvent garantir à la fois la transition verte et sa réalisation avec des critères de justice sociale, afin que les secteurs lésés par les transformations nécessaires puissent être soutenus et accompagnés dans ce processus. Le contraire peut conduire à l’éclatement de conflits sociaux qui compromettent la transition verte elle-même et la cohésion sociale en Europe. Nous l'avons vu avec ceux de la France, nous l'avons vérifié dans les révoltes paysannes et il réapparaîtra à chaque fois que des progrès seront réalisés dans la transition écologique si c'est, de manière réelle ou perçue, une perte pour certains secteurs.

D’autre part, investir dans une transition juste permet d’avancer dans la transition écologique, de le faire avec des critères de justice sociale et de développer les secteurs économiques, du primaire aux services, en passant par l’industrie, avec un fort effet multiplicateur. L’ampleur de l’investissement et les bénéfices associés justifieraient une nouvelle génération de ressources communes, dans le sens avancé par la prochaine génération.

Arrêter ou ralentir le rythme des investissements publics et privés qui permettent d’aborder ces transitions signifie, outre ralentir les transformations inévitables et perdre la course au leadership au profit de ceux qui investissent de manière décisive, oublier deux leçons apprises. Le premier, le coût énorme pour l’Europe de l’austérité appliquée dans la gestion de la crise de 2008 : une reprise économique tardive, une augmentation notable des inégalités et l’émergence de forces d’extrême droite qui montrent aujourd’hui leur côté le plus anti-européen. Le second, découle du coût de l’inaction. Selon un récent rapport du Organisation météorologique mondialepour chaque euro que nous consacrons à la lutte contre le réchauffement climatique, nous économiserons 66 euros dans les décennies à venir.

Bien plus que quelques points de déficit budgétaire et de dette publique sont en jeu dans ces règles budgétaires. La question est de savoir si l’Europe ouvrira la voie à une économie modernisée dans le cadre d’un paradigme de durabilité, ou si elle sera reléguée à un rôle secondaire. Du point de vue de la durabilité environnementale, qui est celle de la planète, et donc celle de chacun, cela ne fait aucun doute. Mais même dans l’approche la plus pragmatique de l’analyse économique, si l’horizon est celui de l’autonomie stratégique, la voie devrait être claire.

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