Le secret des paresseux : ils cherchent des antibiotiques pour humains dans leurs cheveux

Le secret des paresseux : ils cherchent des antibiotiques pour humains dans leurs cheveux

Il est rare qu’un animal typique des jungles humides et chaudes d’Amérique Centrale et du Sud soit aussi poilu. Il est également rare qu’une espèce aussi simienne soit plus étroitement apparentée au tatou. Aussi étrange que le fait que ce mammifère sauvage apparaisse sur tant de photographies touristiques au point que le Costa Rica a fini par le nommer officiellement symbole national en 2021. Aussi insolite que le nombre d’êtres vivants qui habitent la fourrure aux microfissures, parfois vertes, de l’un des animaux les plus sympathiques de la forêt : l’ours paresseux (qui n’est même pas un ours).

Or on sait que les particularités de cet animal qui ne pèse même pas 10 kilos et qui vit majoritairement dans les arbres vont au-delà de l’intérêt naturaliste ou touristique. La chimie et la médecine ont beaucoup à faire avec les paresseux maintenant que les chercheurs du Université du Costa Rica (UCR) ont trouvé des bactéries dans la fourrure avec le potentiel de produire des antibiotiques pour le bénéfice humain, après s’être demandé comment cet écosystème petit mais riche parvient à s’équilibrer pour empêcher les champignons de rendre l’animal malade.

Judy Avey-Arroyo, propriétaire du Costa Rica Sloth Sanctuary dans la province de Limón, supervise la récupération d’un paresseux le 10 mars 2023.EZEQUIEL BECERRA (AFP)

Le travail est loin d’être terminé, mais le chemin semble certain. En 2022, la présence de la bactérie a été vérifiée au moyen d’un iRecherche publiée dans la revue scientifique qui a suscité l’intérêt de chercheurs français qui collaborent désormais avec des scientifiques de l’UCR dans la phase immédiate : identifier ces molécules, les comparer à d’autres antibiotiques déjà découverts et tester leur utilité contre des pathogènes nocifs pour l’homme.

C’est l’étape du travail dans les laboratoires universitaires de San José, à environ 200 kilomètres du refuge pour ours paresseux où les échantillons de poils ont été extraits, à Cahuita de Limón, la ville des Caraïbes qui vous permet de voir un spécimen dans la forêt. ou , mauvaise nouvelle, traverser la rue par les câbles d’éclairage public. Le refuge est beaucoup plus susceptible de recevoir des animaux battus ou blessés, car ils semblent protégés des agents pathogènes.

« Un écosystème de papillons de nuit »

Le coordinateur de l’étude est Max Chavarría, expert en biotechnologie microbienne au Centre de recherche sur les produits naturels (Ciprona) de l’UCR et au Centre national d’innovations biotechnologiques (CeniBiot). « En principe, nous voulions analyser des environnements exotiques qui n’ont pas été étudiés, des environnements auxquels tout le monde n’a pas accès et qui rendent le travail attrayant », a-t-il expliqué à América Futura. « La fourrure du paresseux n’est pas comme celle d’un ours en peluche, c’est tout un écosystème avec des papillons de nuit, des insectes et plein d’organismes. Cela nous a amenés à penser qu’un écosystème aussi complexe possède sûrement des systèmes qui aident à contrôler la prolifération d’autres êtres vivants qui peuvent rendre l’animal malade. Qu’est-ce qui fait que l’animal n’est pas malade ? Avec cette hypothèse de bactéries bénéfiques, nous avons décidé de démarrer ce projet et d’y rechercher des bactéries. L’hypothèse s’est vérifiée car nous avons trouvé des bactéries capables de produire des antibiotiques », explique-t-il.

Dr Max Chavarría à l'Université du Costa Rica, le 18 avril 2023.
Dr Max Chavarría à l’Université du Costa Rica, le 18 avril 2023.EZEQUIEL BECERRA (AFP)

Les analyses effectuées au Laboratoire national de nanotechnologie ont indiqué que la prémisse de la présence de ces bactéries qui produisent des substances pour apaiser les autres qui résident également dans le paresseux était correcte. Sa fourrure d’origine lui permet de conserver beaucoup d’humidité et de conditionner la maison pour une grande variété d’êtres vivants, dont les algues qui permettent à l’animal de se fondre dans le vert des feuilles des arbres, un service de protection contre les prédateurs en échange de les nutriments qu’ils consomment ces organismes, comme d’autres études l’ont montré.

Cependant, il reste encore beaucoup à apprendre sur les relations entre les êtres vivants qui s’instaurent à bord de l’animal très lent qui semble souvent avoir un sourire agréable, malgré la vulnérabilité dont il souffre en raison de la destruction de son habitat naturel et des trafics illégaux.

Deux des six espèces de paresseux ont été déclarées symbole national par l’Assemblée législative du Costa Rica en 2021, en raison de leur valeur emblématique sur le marché de l’écotourisme du pays d’Amérique centrale. La loi approuvée rend obligatoire le développement de campagnes de sensibilisation et d’éducation sur la préservation de ces animaux et prétend stimuler la recherche scientifique comme celle menée par Chavarría avec son équipe à l’UCR qui, malgré des ressources limitées, a réussi à positionner la recherche dans la revue et attirer l’attention d’autres chercheurs en France, qui collaborent au projet dans la phase de travail chimique.

« Il y a beaucoup à faire. Nous sommes dans une phase qui a du mal, celle de voir les molécules antibiotiques. Comparez ensuite avec ceux qui sont déjà connus et poursuivez les recherches, avec la possibilité même de les breveter. Dans un scénario prometteur, les tests d’activité antibiotique viendront plus tard dans différents modèles et excluront qu’ils causent des dommages à l’homme », a expliqué Chavarría, optimiste quant au travail de l’équipe « 100% costaricienne », mais aussi en raison de l’intérêt international dans le projet.

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