La "révolution solaire" prend de l'ampleur

La « révolution solaire » prend de l’ampleur

La flambée sans précédent des prix de l’énergie a insufflé un degré supplémentaire de vigueur à la révolution des panneaux solaires. Déjà pratiquement sans gaz russe, l’Union européenne a doublé son objectif photovoltaïque sur trois ans et prévoit de disposer de 600 gigawatts (GW) disponibles en 2030, soit près de quatre fois plus qu’aujourd’hui. En Espagne, le gouvernement a déjà commencé à travailler sur une révision de ses objectifs dans le prochain Plan national intégré pour l’énergie et le climat (Pniec), qui devra être prêt l’année prochaine et qui comprendra – presque certainement – une augmentation substantielle de énergie solaire installée.

« C’est la technologie [de generación de electricidad] la plus compétitive et la plus installée au monde », a expliqué ce lundi le président de l’Union photovoltaïque espagnole (UNEF, l’association qui représente les intérêts de ce secteur), Rafael Benjumea, lors de la présentation de son rapport annuel. « Nul ne doute que la transition énergétique vers les énergies renouvelables est imparable et une réalité. Mais ce n’est que le début de ce que nous pensons qu’il va se passer dans les années à venir. » L’énergie verte représentant déjà plus de 80 % de la nouvelle capacité, 175 GW de photovoltaïque ont été installés dans le monde l’an dernier, l’Espagne faisant partie des marchés les plus attractifs.

La route sera longue. Et, si l’on veut éviter les scénarios les plus catastrophiques de réchauffement climatique, le rythme devrait être beaucoup plus rapide : pour se conformer à l’Accord de Paris, la capacité photovoltaïque devrait être multipliée par cinq d’ici 2030 et par 15 dans les trois prochaines décennies, selon aux dernières données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE, le bras de l’OCDE pour ce secteur).

Dans des pays comme l’Espagne, les signes sont cependant de plus en plus porteurs d’espoir et invitent à réfléchir à des objectifs « plus ambitieux » dans le Pniec. « Il faut aller dans la tranche haute de la feuille de route : rien ne justifie de ne pas aller plus loin, dans la lignée des autres pays européens », martèle le directeur général de l’UNEF, José Donoso. Les employeurs estiment que les installations au sol pourraient presque doubler l’objectif actuel, jusqu’à 65 GW dans les installations au sol. A ce chiffre pourrait s’ajouter jusqu’à 15 de plus en autoconsommation. Pour ce faire, le patronat du photovoltaïque exhorte à accélérer l’électrification de l’économie, avec une plus grande rapidité de substitution des énergies fossiles dans des secteurs comme les transports et à favoriser une avancée plus rapide de l’hydrogène vert, grand espoir dans les zones les plus difficiles à électrifier et nécessitent d’énormes quantités d’électricité renouvelable pour sa production.

Vers un nouveau record en Espagne

Avec toute la prudence requise pour analyser la moindre donnée à près de trois mois de la fin de l’année, le patron de l’UNEF estime que 2022 se terminera par un nouveau record absolu d’installations photovoltaïques neuves, tant au sol qu’en autoconsommation. En Espagne, 2021 a été la deuxième meilleure année de toute la série historique, avec 3,5 nouveaux GW au sol (jusqu’à un total de 16 en exploitation, selon les derniers chiffres disponibles) et 1,2 GW de nouvelle autoconsommation (jusqu’à un total de 2,7 GW). Loin toutefois des chiffres d’autres pays d’Europe centrale et septentrionale, comme l’Allemagne, qui malgré une moins bonne ressource (moins d’heures d’ensoleillement ; rayonnement moins intense) mène confortablement le tableau communautaire.

« Nous devons profiter de cette opportunité. Nous avons plus de soleil et plus de terre que n’importe qui d’autre, et cela fait une différence. Pour la première fois depuis la révolution industrielle, l’Espagne a la possibilité de produire une énergie moins chère que le reste », souligne Donoso, qui voit dans cet avantage concurrentiel une « grande opportunité de réindustrialisation ». « On peut avoir deux modèles de développement : celui de l’Arabie Saoudite, avec une multiplication des interconnexions et exportant de l’électricité vers le reste de l’Europe, ou celui du Royaume-Uni au XIXe siècle, avec le charbon : amener l’industrie en Espagne pour profiter de la une énergie renouvelable bon marché », résume-t-il.

Estrémadure et Castille-La Manche, des leaders hors pair

En 2021, deux communautés autonomes étaient en tête du classement des nouvelles centrales solaires : Extremadura (avec 1,3 nouveau gigawatt au sol) et Castilla-La Mancha (1 gigawatt). Les deux, à une distance étoilée du reste : l’Aragon et l’Andalousie, qui sont à la traîne, atteignent à peine 500 et 400 mégawatts, respectivement. « Tout le photovoltaïque que le Pniec envisage aujourd’hui ne représente que 0,25 % du total des terres agricoles en Espagne. Avec les terres abandonnées dans des communautés comme la Catalogne, par exemple, ce serait suffisant », rappelle Donoso.

Il existe cependant quelques freins à l’émergence définitive du photovoltaïque. A savoir : les « goulots d’étranglement administratifs » dans le traitement ; une gestion « insuffisante » des réseaux — »on est passé d’un modèle de gros investissements très localisés à un modèle distribué, avec de nombreux équipements disséminés sur le territoire »— ; une tarification pernicieuse — « de même qu’on voit des chiffres excessifs, il y a un risque que des valeurs aussi basses à certaines heures de la journée réduisent la viabilité des investissements » — ; le « néo-dénialisme », avec des groupes aux intérêts économiques et politiques qui lèvent le drapeau contre les centrales photovoltaïques ; et un manque croissant d’installateurs. « Des retards impliquent des rejets inutiles dans l’atmosphère et des prix plus élevés », critique Donoso, qui ne voit toutefois « aucun problème » à l’exception ibérique ou à la baisse de la rémunération des renouvelables et du nucléaire qu’ils viennent d’approuver aux vingt. -Sept.

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