Santi Palacios, photojournaliste : « Nous ne voyons pas les conséquences dramatiques du climat en images »
Des Subsahariens tentant de sauter la clôture de Melilla, le massacre russe de Bucha pendant la guerre d’Ukraine, des immigrés dans de petites embarcations risquant leur vie en route vers l’île grecque de Lesbos, des morts dans des maisons de retraite en Catalogne pendant la pandémie… le photojournaliste Santi Palacios (Madrid, 36 ans), lauréat d’un World Press Photo, a dépeint les pires drames humains pendant plus d’une décennie et ses images ont été publiées dans le couvertures des principaux journaux du monde. Maintenant, il a présenté à Arenys de Mar (Barcelone) avec un groupe de professionnels de différentes disciplines laweb « un support de communication à but non lucratif, spécialisé dans le journalisme visuel, sur la crise climatique », confie-t-il presque au téléphone depuis la capitale catalane, où il habite.
Interroger. Pourquoi un site sur la crise climatique ?
Réponse. Parce que c’est le plus gros problème au niveau mondial, notre grand défi et pour les prochaines générations, après des années au cours desquelles j’ai vu des conflits dans lesquels la crise climatique est toujours en arrière-plan. C’est du « journalisme visuel » car nous avons surtout fondé Sonda reporters graphiques. Nous pensons ne pas pouvoir voir en images les conséquences dramatiques sur le climat que nous disent les rapports scientifiques. C’est pourquoi notre devise est « Voir pour comprendre ».
P Quels sont ces grands drames au niveau planétaire ?
R La disparition des forêts tropicales, la montée du niveau de la mer, la désertification, en plus, tout cela est lié. Et puis il y a les migrations climatiques, de plus en plus nombreuses, celles subies par ceux qui sont contraints de quitter leur territoire à cause des problèmes climatiques.
P Et en Espagne ?
L’information est le premier outil contre le changement climatique. Abonnez-vous.
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R Les incendies. Si vous réunissez 10 personnes autour d’une table, vous aurez 10 opinions différentes sur la façon de résoudre ce problème.
P Quels seront les premiers projets de Sonda ?
P Le premier traitera de la vie dans des conditions de contamination extrême. Il contiendra des photos, des vidéos, des infographies et il y aura également une interaction avec le lecteur. Nous allons faire peu de reportages, mais d’excellents reportages. Il ne s’agit pas seulement de donner des images époustouflantes, nous voulons aussi trouver des explications à ces problèmes et voir ce qui peut être fait.
P Comment chaque projet sera-t-il abordé ?
R Il y aura plusieurs journalistes travaillant pendant des mois sur un sujet. Les reportages seront accompagnés d’interviews d’experts pour répondre aux questions du quotidien. On va aussi faire des comparaisons sur l’évolution d’un territoire, voir l’avant et l’après. Le troisième élément est le journalisme de solutions, il s’agit de documenter les projets qui fonctionnent à travers des scientifiques, pas seulement de donner le négatif ; et nous aurons aussi des talks visuels : un photographe qui présentera son travail devant un public.
P Les images de cartes postales seront-elles acceptées ?
R Oui, il y a une phrase classique du conservationnisme : « Ce qui n’est pas connu n’est pas protégé ».
P Cependant, c’est un projet coûteux, comment va-t-il être financé ?
R Il y aura des dons, un magasin, et nous irons aussi dans les institutions européennes.
P De quels résultats Sonda seriez-vous satisfait ?
R Avec le fait qu’en trois ans nous avons réussi à publier un ou deux ouvrages majeurs par an et avons créé une base de lecteurs pour que la structure soit maintenue.
P Que diriez-vous à un négationniste du changement climatique ?
R Ils sont sa raison d’être. Il faut clore les débats absurdes dans lesquels ils nient ce que disent la majorité des scientifiques.
P Vous avez étudié la sociologie, pourquoi l’avez-vous quittée pour la photographie ?
R J’ai commencé les deux activités en même temps, mais c’est une chose à laquelle j’essaie encore de répondre moi-même. J’aime la composante dynamique du photojournalisme, même si parfois j’ai l’impression de faire de la sociologie avec la caméra.
P Comment passe-t-on de photographier une guerre ou des immigrés désespérés à être ivre à Barcelone ?
R Chacun trouve sa façon de le faire. Je prends habituellement deux ou trois jours pour être calme, si vous le pouvez. J’aime aller nager. Si vous sautez directement dans votre vie quotidienne, vous vous sentez comme un Martien. Personne ne vous apprend à gérer ces changements bestiaux.
P Vous êtes un orateur régulier, qu’aimez-vous raconter ?
R Transmettre au public les histoires derrière les images que vous réalisez est très intéressant car la photo ne raconte pas tout. L’arrière-boutique du photojournalisme, savoir pourquoi certaines images sont publiées et pas d’autres, pourquoi certaines sont faites et pas d’autres. Avec vos photos vous ne montrez que quelques secondes de ce que vous avez vécu pendant des semaines.
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