Une grave sécheresse a mis fin à l'empire hittite.

Une grave sécheresse a mis fin à l’empire hittite.

Pendant cinq siècles, ce fut une grande puissance

Pendant cinq siècles, les Hittites ont été l’une des grandes puissances du monde antique. Depuis leur capitale, Hattusa, ils ont construit un empire aux multiples connexions politiques et économiques au Proche-Orient et en Méditerranée orientale. Mais venue l’an 1170 avant JC, cette civilisation avait disparu, de même que ses contemporains mycéniens, tandis que l’Assyrie et l’Egypte fragmentaient ou réduisaient leur superficie. De plus, dans le cas des Hittites, contrairement à d’autres royaumes contemporains, ils ont à peine laissé une trace dans la mémoire des peuples qui ont ensuite occupé leurs terres et jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, c’était une civilisation oubliée par l’histoire.

La cause de sa disparition soudaine a fait l’objet de débats parmi les experts, avec plusieurs explications possibles telles que l’évolution de la technologie militaire, les migrations, les changements climatiques, les épidémies, ou l’arrivée d’une mystérieuse civilisation de la Méditerranée centrale, à l’ont été appelés les peuples de la mer. En fait, de nombreux chercheurs considèrent aujourd’hui comme plus probable l’idée d’une « tempête parfaite »: une confluence de divers facteurs qui ont conduit à la chute de l’ancien royaume.

Une nouvelle recherche, publiée mercredi dans la revue Nature, suggère que de graves changements climatiques ont pu pousser sa population, habituée à vivre dans une région aride de la Turquie actuelle, au-delà de ses limites d’adaptation. En particulier, indiquent une grande sécheresse qui s’est produite dans le centre de l’Anatolie entre les années 1198 et 1196 av.Une troisième année consécutive de sécheresse est particulièrement rare et était très sévère dans le monde pré-moderne. Elle saperait à la fois le pouvoir politique, par le manque de nourriture, le besoin d’impôts pour soutenir l’élite ou l’impossibilité de nourrir l’armée, ainsi que le pouvoir religieux, puisque remettre en question l’autorité divine car il est clair que les dieux ont abandonné le peuple et rejeté les dirigeants actuels », explique Sturt Manning, professeur d’archéologie à l’Université Cornell aux États-Unis.

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Même ainsi, de nombreuses questions subsistent quant à la relation précise entre les changements climatiques et les événements historiques. « L’effondrement hittite vient du haut : du système dirigeant, du Haut Roi, de la capitale (demeure des dieux), de la bureaucratie, etc. », ajoute Manning. « Outre, la situation offrirait des opportunités à ses ennemis. » L’épisode s’inscrit dans une période de 300 ans au cours de laquelle le climat de la région méditerranéenne est devenu plus sec et plus froid, un fait désormais associé à la fin de plusieurs civilisations anciennes qui ont marqué la fin de l’âge du bronze en Orient suivant. Une étude publiée en 2013 par des chercheurs français dans la revuePlos One, Se basant sur l’analyse de grains de pollen trouvés dans les sédiments d’un lac salé à Larnaca (Chypre), elle indiquait déjà la sécheresse comme cause de la disparition des Mycaniens, Minoens et Hittites.

Leçons pour le changement climatique

Le travail qui est maintenant publié dans Nature nous a permis d’identifier les dates exactes. Ses auteurs analysent les cernes dans des restes de bois de genévrier (Juniperus excelsa et Juniperus foetidissima) fouillé sur le site de Gordion, au centre de la Turquie actuelle. A partir de la taille et de la forme de ces cernes, qui permettent d’identifier les saisons de croissance des arbres, ils ont pu suivre l’évolution hydrique de la zone. De plus, l’étude de l’isotope stable du carbone 13 permet une datation plus précise.

Les communautés qui y vivaient il y a plus de 3 000 ans avaient développé des mécanismes pour faire face aux conditions habituelles de la région, notamment des années de faibles précipitations, comme en témoignent les silos à grains ou la construction de barrages. Cependant, les changements étaient suffisamment importants pour créer un point de basculement dont leurs efforts ne leur ont pas permis de s’adapter, notamment dans les territoires de l’intérieur. Cette situation aurait provoqué l’utilisation intensive des paysages et des ressources naturelles, infligeant des dommages durables à leurs écosystèmes, et finalement l’abandon de territoires, dont Hattusa. L’une des énigmes dans l’étude de l’histoire des Hittites a été l’abandon de leur capitale dans les dernières décennies de l’empire, puisque l’exode semble avoir été méticuleusement planifié et non le résultat d’un épisode violent.

Échantillon de bois récupéré sur le site de Gordion

Les auteurs de l’article soulignent l’importance d’étudier comment faire face à la crise climatique actuelle. « Il y a une pertinence contemporaine, nos sociétés sont résilientes aux menaces climatiques dans le prévisible, mais le changement climatique d’aujourd’hui nous conduit à des circonstances plus difficiles, il provoque plus de cas de conditions météorologiques extrêmes », explique Sturt Manning. « On peut supposer que les changements climatiques que connaîtront les humains au cours du siècle prochain seront beaucoup plus graves que ceux vécus par les Hittites. L’effondrement d’une civilisation vieille de cinq siècles et hautement résiliente au climat devrait nous faire nous demander : est vraiment notre résilience?

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