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Vox contre le Nouveau Bauhaus européen : le parti ultra refuse une architecture durable, conciliante et plurielle

L’école du Bauhaus a changé le monde. L’architecte Walter Gropius dirige son premier siège, à Weimar (Allemagne) en 1919. Son objectif est de collaborer à la reconstruction de l’Europe après la Première Guerre mondiale. Il ne s’agissait pas seulement de survivre. Aussi à améliorer. C’est pourquoi cette école pionnière a brouillé la frontière entre l’Art en majuscules — peinture, sculpture, musique ou architecture — et les arts appliqués — céramique ou ébénisterie — si essentiels à la construction d’un monde meilleur.

Sur le plan architectural, le Bauhaus s’est traduit par une image internationale. Et, bien qu’il ne s’agisse en aucun cas de la première architecture mondiale, il suffit de regarder les interprétations de n’importe quel style : celui de l’ordre grec, romain ou néoclassique ; ou celui du désordre, baroque, rococo ou , ont eu sur la planète, il a changé le visage des villes. Parce que? Parce qu’il a proposé une architecture digne pour tous. Le temps a montré que la meilleure architecture nue, c’est-à-dire moderne, doit être soignée et entretenue. Construit uniquement pour réduire le coût économique, il devient une architecture pauvre.

Au-delà de l’union des arts et du logement décent pour tous, la porte que le Bauhaus voulait ouvrir au début du XXe siècle était celle de la formation des femmes. Aucune de ces propositions n’intéresse le parti nazi qui finit par expulser l’École et ses directeurs d’Allemagne. Hitler a ainsi relocalisé la modernité dans les universités des États-Unis avec Walter Gropius, son premier directeur, à la tête de la Graduate School of Design, GSD à Harvard. Et Mies van der Rohe, le dernier directeur, en charge de l’Illinois Institute of Technology. Il suffit de regarder l’empreinte que Van der Rohe a laissée à Chicago (la sienne et celle de ses partisans) pour comprendre ce qu’Hitler a chassé de la culture européenne.

Dans ce sillage de collaboration et de dépassement des frontières, le Parlement européen a créé en 2021 le Nouveau Bauhaus européen pour, une fois de plus, gommer les frontières entre les disciplines – culture, art, science ou technologie – et promouvoir un design capable de répondre aux urgences actuelles. Aujourd’hui, la survie est récompensée, c’est-à-dire la durabilité et l’inclusion sociale. Interdisciplinaire, conciliante, collective et plurielle, l’initiative a été conçue pour promouvoir un effort commun pour enrichir le continent au lieu de se soucier uniquement de le rentabiliser. Cependant, Vox inclut dans son programme pour les prochaines élections du 23 la proposition suivante : « Nous rejetons donc les projets mondialistes tels que le soi-disant Nouveau Bauhaus européen promu par les bureaucrates bruxellois, qui, avec l’alibi du fanatisme climatique et de l’efficacité énergétique des bâtiments tente d’uniformiser la réalité de nos villes ».

Détail du complexe architectural durable de la forêt verticale, à Milan. Emanuele Cremaschi (Getty Images)

Parmi les derniers lauréats espagnols figurent des espaces urbains et ruraux régénérés (La Fabrika d’une vie), un patrimoine culturel préservé (Azotea de Xifré, Jardín Silvestre) et même des études universitaires : le diplôme en Design de l’Université de Navarre.

Compte tenu de la démission de VOX d’une entité qui cherche à mettre à jour les valeurs européennes, la défense de l’architecture traditionnelle par le parti est frappante. Comment comptez-vous le conserver ? La momifier ?

Atout civique autant qu’artistique, l’architecture s’est transformée au cours de l’histoire pour rester utile, pertinente et vivante. Peut-être faut-il rappeler que le musée Reina Sofía était un hôpital, que le parc du Retiro était un terrain de chasse privé —pour la royauté— ou que des navires étaient fabriqués au musée naval de Barcelone (Las Atarazanas).

Le Nouveau Bauhaus propose d’unir, de sauver, de sauver. Ainsi, elle veille sur le patrimoine immatériel européen que sont les métiers d’art : les artisans qui travaillent la nacre, le verre ou le cuir dont les savoir-faire mettent en péril la rentabilité économique de la production industrielle. Un parti politique qui cherche non seulement le progrès, mais la survie d’un continent et d’une culture peut-il faire campagne contre cela ?

Mais il y a plus : l’un des piliers de la Nouveau Bauhaus européen C’est ce qu’on appelle le pacte vert. Les bâtiments passifs sont capables d’accumuler l’énergie dont ils ont besoin pour fonctionner. Il existe aujourd’hui en Espagne des écoles (Colegio Brains à Madrid par DL+A) et même des immeubles HLM (Torre Bolueta à Bilbao par VArquitectos) qui respectent la réglementation. L’Europe compte aussi quelques bâtiments, comme l’hôtel de ville de Fribourg — des architectes d’Ingenhoven — classés comme bâtiments actifs. C’est un pas de plus : ce sont des bâtiments capables d’accumuler plus d’énergie qu’il n’en faut pour fonctionner, qui déversent le surplus dans les réseaux publics d’énergie. Cela, comme la pollution ou le trafic aérien, nous affecte tous. C’est pourquoi il ne faut pas en discuter. Le qualifier de fanatisme climatique dans un programme électoral relève pour le moins de l’ignorance.

Les conséquences d’une meilleure isolation, du recyclage des eaux pluviales ou grises, ne sont pas nouvelles. Ils sont inscrits dans les réglementations européennes de construction depuis des décennies pour pouvoir reconstruire le continent. Il est curieux que l’un des visages les plus visibles de Vox, l’architecte Rocío Monasterio, ait échappé à cette information. Peut être que non. L’architecture qui veille à réduire la consommation d’énergie dans la construction et l’exploitation des bâtiments est, à l’évidence, un métier. Mais il cherche à pouvoir être une entreprise en améliorant le monde. Cette amélioration collective, au-delà de l’enrichissement économique de quelques-uns, est ce que, semble-t-il, VOX ne veut pas dans son programme.

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